Macron et sa vape : une photo peut-elle faire oublier cinq ans d’absence de politique de réduction des risques ?

C’est, évidemment, un plan communication. À trois semaines du premier tour des élections présidentielles, la photographe d’Emmanuel Macron a posté une série de clichés pris le dimanche 13 mars à l’Elysée. Le Président y apparaît barbe de trois jours, sourcil circonflexe, sweat d’un commando parachutiste, dossiers sous le bras et, sur le cliché le plus repris par les médias, une vape dans sa main droite. Le détail a été relativement peu remarqué. Gala, magazine people, s’est fendu d’un article le 15 mars pour attirer l’attention sur ce point.

Le Président, candidat à sa propre succession, aurait donc troqué ses cigarettes et cigares pour une vape. De prime abord, c’est une bonne nouvelle. Pour sa santé en premier lieu évidemment. Quoi qu’en disent de fanatiques obscurantistes, éviter les toxiques de la fumée, dont le monoxyde de carbone et les goudrons, en passant au vapotage réduit d’au moins 95 % les risques par rapport à fumer. 

On peut également espérer qu’en ayant une expérience directe et concrète du moyen de réduction des risques, un dirigeant puisse devenir plus pragmatique sur le sujet. Cependant, on risque de déchanter sur ce point. On ne sait pas depuis combien de temps, Emmanuel Macron vapote. Mais on sait qu’Olivier Véran, Ministre de la Santé, a réussi à arrêter de fumer depuis plusieurs années grâce au vapotage, tout comme Gabriel Attal, porte-parole du Gouvernement, et Élisabeth Borne, ministre du Travail. Pour autant, le quinquennat Macron se termine sur un bilan minable concernant l’encadrement politique du moyen de réduction des risques le plus populaire et efficace face au tabagisme.

Destruction du Groupe de travail vapotage

Sur ce sujet, le quinquennat a débuté par la destruction du Groupe de travail vapotage, mis en place par la Direction générale de la santé (DGS) précédente. Ce groupe permettait des échanges entre parties prenantes très utiles pour faire remonter des observations de terrain vers les organes de santé publique. Ceux-ci n’ont pas le don d’ubiquité, une liaison avec des acteurs de terrain est essentielle pour ne pas se retrouver hors-sol. 

Exemple hautement significatif, l’étude menée en 2017 et publiée en 2019 par Santé Publique France sur l’arrêt tabagique et le vapotage en France est une réponse à des questions apparues dans ce groupe. Ces résultats auraient dû nourrir la réflexion d’une stratégie pour réduire le tabagisme et ses méfaits en France. Cela n’a pas été le cas, parce que la direction ne voulait pas réfléchir hors de son cadre de pensée unique a priori. Tuer le groupe de travail vapotage a permis d’éliminer toute interrogation ou initiative surgissant du terrain. 

Mépris, obscurantisme et dogmes a priori

L’hostilité à la réduction des risques de Jérôme Salomon, directeur de la DGS, a été claire dès l’entame de ses cinq ans de direction. Outre la destruction du groupe de travail vapotage, il a systématiquement rejeté, sans justification sérieuse, toute demande des associations de défense de la réduction des risques, notamment de Sovape (dont je suis membre). Ajoutant un évident mépris à son absence d’intérêt pour l’action de terrain des bénévoles

En sens inverse, même blocage de la DGS au niveau de son action. Par exemple, ni consultation ni même information correcte de sa participation à la COP 9 anti-tabac de l’OMS au milieu des lobbyistes du milliardaire affairiste et néo-puritain américain Bloomberg. Une opacité plus que troublante sur un sujet avec de tels enjeux de santé publique et financiers.

À la concentration des pouvoirs, le DGS y a ajouté une dose de fainéantise. Comme je l’avais pointé à l’époque, son discours sur le vapotage et les jeunes est tristement exemplaire : des clichés racoleurs, plutôt qu’une analyse sérieuse. Pourtant, des données réelles solides de la situation en France sur les jeunes et la vape ont été produites par l’OFDT et confirmées par une équipe de l’INSERM. Mais le DGS semble préférer les « digests » sensationnalistes de groupes sous l’influence de Bloomberg que la prise en compte d’analyses sérieuses.

Des subventions par millions pour les anti-vapes

De manière cohérente avec cette orientation, la majorité des subventions du Fonds addiction ont été attribuées aux trois organisations qui partagent leurs influences, une même idéologie néo-puritaine et jusqu’à leurs bureaux. Une hydre à trois têtes, dont le CNCT a récemment presque officialisé être anti-vape, avant de dépublier son annonce. Dont, en tout cas, les actions ont été essentiellement anti-vape, bien plus qu’anti-tabac, durant ce quinquennat. Procédure-bâillon lancée par leur avocat au prétexte de critique, campagnes médiatiques anti-vape, soutien aux régimes tabagiques d’Inde et de Thaïlande, calomnies mensongères contre des médecins et scientifiques en faveur de la réduction des risques, etc. La liste est non-exhaustive.

L’abrogation du droit sanitaire à aider les patients à arrêter de fumer avec la vape

La mise à jour du rapport du Haut-Conseil de Santé Publique (HCSP), publiée en janvier, est venue parachever cette stratégie de terre brûlée. La précédente recommandation aux professionnels de santé de soutenir l’arrêt tabagique des patients optant pour le vapotage a été éliminée par le HCSP. La destruction de l’acquis sanitaire se base sur un travail bâclé, de l’aveu même de son principal auteur le Pr François Alla. 
Présentant des études rétractées (!), des lacunes inacceptables et des raisonnements aberrants scientifiquement, ce document a pour ainsi dire fini de dégager le terrain pour ce qui pourrait être la phase suivante de mesures anti-vape. On pense notamment à des taxes punitives et des interdictions d’arômes, qui n’ont pas de justifications réelles autres que l’inclinaison à la punition et au sadisme néo-puritain.

Une lente régression avant bien pire ?

En bref, la France n’a pas seulement perdu cinq ans sur la lutte pour réduire le tabagisme et ses méfaits, alors que la dynamique de baisse du nombre de fumeurs avait été entamée avant l’élection d’Emmanuel Macron. Elle a brisé cette dynamique qui était nourrie par la sortie grâce au vapotage. Certes, la situation pourrait être pire. Plus précisément, la situation a tout pour devenir bien pire. 

Il est un secret de polichinelle que le lobby Bloomberg travaille à ériger des taxes contre la vape et l’interdiction d’arômes. Plusieurs pays de l’Union européenne ont déjà opté pour cette orientation néo-puritaine. La Commission européenne aimerait imposer à l’ensemble des États membres ces mesures anti- réduction des risques. La destruction des médiations entre société civile et santé publique du quinquennat Macron pourrait être un prélude à l’introduction de mesures de ce type en France. C’est une crainte qui n’a rien de paranoïaque. 

Pensée zéro

Aux rencontres européennes 2022 de l’Institut National du Cancer (INCa), Anca Tomas, de l’organisation subventionnée par la Commission européenne SmokeFree Partnership, a ainsi appelé à des taxes « significatives » contre le vapotage. Sans contradicteur. 

À la question de l’impact disproportionné des méfaits de santé du tabagisme et de l’appauvrissement par les taxes tabac contre les couches les plus pauvres de la société, elle a prétendu, semble-t-il au premier degré, que « deux choses régressives font une bonne chose, selon moi »

Difficile d’illustrer plus clairement l’isolement intellectuel et l’absence d’humanité d’une des principales lobbyistes anti-vape à Bruxelles. Durant ces rencontres de l’INCa, si le ministre de la Santé n’a pas pipé mot sur le sujet, le directeur de la DGS a, à la manière d’un ministre, annoncé que la France soutiendrait des taxes européennes élevées contre les produits du tabac lors du Conseil européen qui en décidera prochainement. Sans précision sur la question d’une taxation du vapotage dans ce cadre.

Infrapolitique

Le flou persiste. En diffusant cette photo, vape en main, le candidat Macron peut donner l’impression d’un penchant pour la vape, sans avoir verbalisé à aucun moment un engagement, une réflexion, une stratégie ou quoique ce soit sur le sujet. La photo semble faire office d’infrapromesse, tout en maintenant le sujet à un niveau infrapolitique. Pourtant, si ce détail apparaît et que des magazines comme Gala insistent pour attirer l’attention dessus à trois semaines des élections, c’est le signe du poids électoral des trois à quatre millions de vapoteurs et de leurs proches. 

Cependant, durant ces cinq années, aussi bien les vapoteurs que les fumeurs, dont la santé publique gagnerait à ce qu’ils soient de futurs vapoteurs, n’ont jamais été considérés comme des sujets politiques de plein droit. Tout ce qui les concerne, discussions et décisions sur eux, s’est déroulé sans eux, et souvent contre eux. 

À ma connaissance, les candidats concurrents à Emmanuel Macron ne présentent pas non plus de réflexion développée sur le moyen de réduction des risques face à la première cause évitable de maladies et de décès prématurés en France. Cette abstention politique du personnel politicien sur un sujet majeur, sans être le seul, n’invite pas les citoyens à se soucier du processus électoral. Un cliché lancé sur les réseaux sociaux ne saurait répondre à lui seul de cette absence. 

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